Régis Jauffret
Quatrième de couverture:
Platon, le mythe de la caverne. Des prisonniers qui ne verront jamais de la réalité que des ombres d'humains projetées sur la paroi de la grotte où ils sont enchaînés. Dans le souterrain les enfants n’ont vu de l’extérieur que les images tombées du ciel qui leur parvenaient par le câble de l’antenne.
Le mythe a traversé vingt-quatre siècles avant de s’incarner dans cette petite ville d’Autriche avec la complicité d’un ingénieur en béton et celle involontaire de l’Écossais John Baird qui inventa le premier téléviseur en 1926.
R.J.
Ma lecture:
En 2008, la police autrichienne a libéré une femme de 42 ans. Elle a passé 24 ans dans la cave de son père: violée, battue et torturée par son père. Mère de 7 enfants, 7 enfants de son père. Trois des enfants y sont nés, y ont demeuré jusqu'à la "libération" alors que les autres étaient "remontés" à l'étage!
Au bout de plusieurs années, le père apporte la télé dans la cave.
Le roman de Régis Jauffret est à la fois la quête et l'enquête de l'auteur sur ce fait divers et le récit "imaginaire" de cette captivité.
J'ai été captivée par ce roman. L'écriture demeure pudique dans l'horreur de ce vécu. Un quart de siècle dans l'horreur. Mais un quart de siècle où l'on quête le bonheur, des bribes de bonheur, des miettes de bonheur dans l'ombre de cette cave.
Mais quand même, le plus horrible dans cette histoire, c'est la "complicité" de l'environnement dans cette captivité: la famille, les voisins, la société autrichienne (ex: l'appel d'Angelika depuis le portable de son père).
Je place ce roman dans le TOP du TOP.
Une citation:
Pendant plusieurs années, Angelika a vécu dans la cave sans aucun repère temporel. Son père prenait soin de ne laisser filtrer aucunes informations. Jusqu'au jour où la télévision est entrée dans la cave! Il faut quand même imaginer ce rapport au temps totalement déconnecté du rythme jour/nuit, des semaines, des années. Seuls des repères froid/chaud marquant les saisons étaient perceptibles dans la cave. Et puis bien sûr, le rythme des grossesses et des enfants qui grandissent.
Donc, Fritzl apporte la télévision dans la cave en fin d'année 1991. Angélika est face à cette boîte à images du dehors, elle regarde la rétrospective de l'année comme ça se fait habituellement sur les chaînes de TV. Et là, CHOC!
P382: "Un bref compte à rebours.
- Trois, deux, un.
Et l'assistance qui hurle 1992. Des confettis qui tombent du haut des cintres, du champagne qui fuse comme de la mousse d'extincteur. Le nouvel an qui survenait chaque année. On aurait pu diffuser les mêmes images tous les trente et un décembre en bricolant la bande-son pour changer le millésime.
Elle s'est mise à compter. Elle s'est aperçue qu'elle était enfermée depuis sept ans et demi. Plus de deux mille sept cents jours. Elle croyait être sous terre depuis moins de quatre ans."
Bonne lecture!