Les inséparables

Ce livre-là, c'est un coup de cœur!

Quatrième de couverture

"J'aimais la voix traînante de Léa, ses cheveux roux, son incroyable vitalité. Nous nous comblions, est-ce qu'on peut dire cela? Se combler, comme deux pièces de puzzle qui s'ajusteraient parfaitement, mais ne viendraient pas de la même boîte.
Que nous est-il arrivé? Où sont passées les deux amies perchées sur le tabouret du photomaton? Il faudrait retourner dans la cabine, glisser une pièce dans la fente pour obtenir la preuve tangible de cette force qui nous habitait. Au lieu de ça, un rideau se lève, et c'est Léa qui apparaît. Léa et son nouveau métier, rue Saint-Denis. Léa et ses bras troués. Il n'est pas besoin d'aller très loin, parfois, pour être dans un autre monde."
Marie Nimier trace, entre souvenirs heureux et combats contre les fantômes, le portrait d'une amitié sans pareille.

Ma lecture:

Cela commence comme la légèreté de l'enfance, comme "La guerre des boutons", on s'amuse de la coquinerie de ces deux jeunes amies. Cela termine avec la gravité d'un parcours de vie semé de cailloux, d'embûches, la drogue et la prostitution. C'est l'histoire d'une amitié, c'est magnifiquement écrit.

Je préfère vous laisser quelques extraits:

P40: MARTEAU ROUGE

"Il fallait répondre aux questions suivantes, le plus rapidement possible:
- Un carré peut-il être rond?
- Qu'est-ce que tu bois le matin, du chocolat ou du potage?
- 24 est-il un chiffre pair ou impair?
- Combien font 63 fois 2?
- Et 7 + 32?
- Quelle serait l'année de ta naissance si tu avais 20 ans?
- Et, dernière question, dis mois sans réfléchir le nom d'un outil, le premier outil qui te passe par la tête, puis une couleur.
Je pensai à un marteau. Un marteau...rouge.
Et tout le monde, Léa incluse, pensait à un marteau rouge.
Même ma mère pensait à un marteau rouge."

P 69: POP-CORN

"Un soir, John Palmer rapporta de l'American Legion une machine à pop-corn assortie d'un stock impressionnant de grains de maïs conditionnés dans des filets. Ce fut notre toquade de la saison- toutes les deux, assises bien au centre du cinéma, notre manteau calé sous les fesses, grignotant nos pop-corn salés comme de vraies petites Américaines: nous étions les reines du monde."

P92: LE DICO DU SEXE

"A Saint-Michel, Léa se heurte à de nouvelles interrogations. Des garçons, elle cherche le mode d'emploi. Nous trouvons les mots Fallope (trompes de), sperme, testicules, salpingite, orgasme, fellation et cunnilingus. Au lycée, un gynécologue devrait venir nous parler des différents modes de contraception, mais la rencontre est reportée à plusieurs reprises pour des mobiles flous. le sida n'existe pas encore, une capote est le féminin d'un capot et protège les poussettes des intempéries. Comment s'arrange-t-on pour ne pas tomber enceinte? Il y a des moyens, disent d'un air mystérieux celles qui ont couché.
Léa se prend souvent la tête dans les mains. Son cerveau continue à attirer les questions comme du papier tue-mouches. Elles viennent toutes se coller autour. Pour ne plus les entendre bourdonner, Léa augmente le volume de la musique ou plaque pendant des heures les mêmes accords sur sa guitare.
Moi, je ne joue de rien."

P 129: MAISON DE CORRECTION

" Je n'ai qu'un seul but: qu'on me relâche le plus vite possible, et pour ça il faut que je ressemble à tout le monde. Pas évident. Même à toi, ils te trouveraient quelque chose. Ils diraient que tu as des problème de communication, parce que tu ne parles pas beaucoup, ou parce que tu rougis. Ils diraient que tu as des problèmes moteurs, parce que tu ne sais pas faire la roue. Des problèmes de dépendance, parce que tu es trop, mais alors beaucoup trop sentimentale.
Mais moi, ils ne m'auront pas. Je suis irréprochable."

P 156: ÊTRE MÈRE

"Quand elle refit surface, ce fut pour m'annoncer une nouvelle essentielle, ou plutôt deux grandes nouvelles qui se tenaient par la main. La première, la plus importante, celle qui la propulsait dans un autre monde: Léa attendait un enfant. Elle sortait du laboratoire d'analyses médicales, elle venait d'avoir les résultats de la prise de sang. La seconde nouvelle me soulagea d'un grand poids: elle avait complètement arrêté la came, toutes les cames. "

P 197: LA PRISON

"La lettre suivante venait de Fleury-Mérogis (il y a juste ça, en haut de la feuille: Mardi, Fleury-Mérogis).
Tu dois te demander pourquoi je suis ici, écrivait Léa, je ne t'ai pas beaucoup parlé ces derniers temps, je ne voulais pas t'encombrer avec mes problèmes. Si tu as envie de m'écrire, malgré tout, n'oublie pas de mettre mon numéro d'écrou et de cellule sur l'enveloppe.
Suivait son adresse postale: Maison d'arrêt de femmes, 1415 D4R-4, 7 avenue des Peupliers, Fleury-Mérogis, 91705 Sainte-Geneviève-des-Bois."

P 213: DÉSINTOX

"Quelques mois plus tard, Léa y répondait d'elle-même en débarquant sans prévenir dans mon petit studio de la cité Prost. Elle n'avait plus le teint aussi clair que lorsque nous nous étions retrouvées rue Saint-Denis, et ce n'était pas parce qu'elle se piquait que ses mains tremblaient: c'était parce qu'elle ne se piquait plus."

P250: VENDRE UN SERVICE

"- Comment vous est venue cette idée de vous vendre?
- Je ne me vends pas, je vends un service.
- Faire l'amour est un service?
- Je ne fais jamais l'amour.
- Quel genre de rapport entretenez-vous avec les clients?
- Sexuels. Non, pas sexuels. Marchands."

Bonne lecture!