jeudi 25 novembre 2010

D'autres vies que la mienne


 D'autres vies que la mienne
EMMANUEL CARRÈRE


Quatrième de couverture:
A quelques mois d'intervalle, la vie m'a rendu témoin des deux évènements qui me font le plus peur au monde: la mort d'un enfant pour ses parents, celles d'une jeune femme pour ses enfants et son mari. Quelqu'un m'a dit alors: tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire? C'était une commande, je l'ai acceptée. C'est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l'amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d'un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s'occupaient d'affaires de surendettement au tribunal d'instance de Vienne (Isère). Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d'extrême pauvreté, de justice et surtout d'amour. Tout y est vrai.

Ma lecture: 
Que d'émotions en lisant ce livre, tant d'émotions qu'il a fallu parfois que j'interrompe la lecture deux minutes pour ne pas me laisser envahir par cette douleur de la perte d'un être cher, par cette violence de la mort qui entre en soi, qui coupe un à un les fils qui nous relient à la vie. Il y a d'abord Juliette, une enfant emportée par la vague au Sri Lanka, Juliette, la fille de Delphine et Jérôme. Puis il y a Juliette, la belle-sœur de l'auteur, Juliette qui est juge à Vienne. C'est un livre percutant à vrai dire et terriblement humain. Je l'ai lu davantage comme un témoignage que comme un roman. Le témoignage d'un homme qui rencontre des "survivants", ceux qui continuent à vivre alors que la mort à emporter l'être cher. 
Dans le livre, il y a également une grande part réservée à la question du surendettement que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt!!! Cette partie du livre s'intègre comme naturellement au récit dans la mesure où cela était une grande part du travail de Juliette. 

EXTRAITS:

P35: L'auteur est au Sri Lanka après la vague:
" Il y a nous, propres et nets, épargnés, et autour de nous le cercle des lépreux, des irradiés, des naufragés revenus à l'état sauvage. La veille encore ils étaient comme nous, nous étions comme eux, mais il leur est arrivé quelque chose qui ne nous est pas arrivé à nous et nous faisons maintenant partie de deux humanités séparées."

P156: 
" ...je suis terriblement choqué par les gens qui vous disent qu'on est libre, que le bonheur se décide, que c'est un choix moral. Les professeurs d'allégresse pour qui la tristesse est une faute de goût, la dépression une marque de paresse, la mélancolie un péché. Je suis d'accord, c'est un péché, c'est même le péché mortel, mais il y a des gens qui naissent pécheurs, qui naissent damnés, et que tous leurs efforts, tout leur courage, toute leur bonne volonté n'arracheront pas à leur condition. Entre les gens qui ont un noyau fissuré et les autres, c'est comme entre les pauvres et les riches, c'est comme la lutte des classes, on sait qu'il y a des pauvres qui s'en sortent mais la plupart, non, ne s'en sortent pas, et dire à un mélancolique que le bonheur est une décision, c'est comme dire à un affamé qu'il n'a qu'à manger de la brioche."

P181: Le surendetté "passif" (à distinguer du surendetté "actif")
"A celui-ci, on ne peut pas faire grief de consommer avec excès et d'user sans discernement du crédit, tout simplement parce qu'il est pauvre, très pauvre, et qu'il n'a d'autre choix qu'emprunter pour remplir son caddie de paquets de nouilles. C'est le RMIste de plus de cinquante ans, ou la femme seule avec des enfants, au chômage, sans qualification, sans autre perspective, dans le meilleur des cas, que de trouver un emploi à temps partiel, précaire et mal payé, avec l'effet pervers classique que travailler, si elle y arrive, sera finalement moins avantageux pour elle que vivoter des aides à quoi elle peut prétendre. ceux-là n'ont que des dettes et rien pour les payer. Leurs dossier se retrouvent en piles sur le bureau du juge d'instance."

P238: J'en ai marre!
" C'est une phrase très simple mais extrêmement importante, parce que c'est une phrase qu'on s'interdit. On s'interdit de la prononcer, mais autant que possible de la penser. Parce que si on commence à penser: "J'en ai marre", on se retrouve assez vite à penser: "ce n'est pas juste" et : "je pourrais avoir une autre vie". Or ces pensées-là sont insupportables. Si on commence à se dire: "ce n'est pas juste", on ne peut plus vivre. Si on commence à se dire que la vie pourrait être différente, qu'on pourrait courir comme tout le monde pour attraper le métro ou jouer au tennis avec les enfants, la vie est pourrie. (...) Il n'empêche que ce sont des pensées qui existent et que cela ne fait pas de bien non plus d'employer toute son énergie à faire comme si elles n'existaient pas. C'est compliqué, de s'accommoder de ces pensées-là."



Vous pouvez lire une excellente critique chez Céline!!!!
(Et vous pourrez y écouter Étienne Rigal, le juge qui a travaillé avec Juliette.)


Belle et douce journée à vous!

32 commentaires:

  1. *** Merci de nous parler de cette lecture. GROS BISOUS et bon jeudi à toi Chrys !!!!! :o) ***

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  2. Merci pour les extraits.
    Je n'en avais pas mis car j'avais déjà écrit une bonne "tartine" sur ce livre.
    C'est toujours mon livre préféré, même si j'ai été également bouleversée par "Elle s'appelait Sarah". C'est une véritable leçon de vie qui nous saisit à la gorge, qui fait parfois mal à lire et pour cette raison, certains redouteront peut-être de s'y plonger. Mais non, lisez-le, vous aurez tout à y gagner !
    J'ai aimé l'idée du témoignage de l'auteur sur sa propre vie, qui nous explique comment la "rencontre" avec d'autres gens, d'autres vies, l'a fait évoluer, humainement parlant, en bien, d'après ce qu'il nous en dit.

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  3. Un livre qui marque et laisse des traces longtemps après. Une lecture douloureuse pour moi aussi mais tellement forte voire nécessaire ...c'est la partie sur la maladie de la maman qui m'a le plus interessé et bouleversé. Je lui ai également consacré un article sur les 3bouquins.

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  4. Comme vous j'ai aimé ce livre, mais comme vous j'ai eu aussi beaucoup de mal à contenir mes émotions, souvent douloureuses...Bonne journée

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  5. Je pense me remettre a lire en JAnvier...

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  6. Un livre qui m'a marquée en profondeur...

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  7. J'ai le livre, et je voulais le lire. Mais j'ai du ml à m'y mettre.. Je crains le trop-plein d'émotion, ne pas rester assez distanciée... Mais je vais le lire. Les extraits me parlent.
    Belle journée à toi !

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  8. Effectivement, ce bouquin a l'air très prenant mais je ne suis pas sûre d'avoir envie de le lire en ce moment. Plus tard sûrement!

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  9. J'ai lu 2 ou 3 ouvrages dans ce style. Ce sont des lectures difficiles. Une amie m'a parlé de ce livre et m'a dit que cet ouvrage ne laissait pas indifférent. Il a l'air en plus très bien écrit.

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  10. Merci Chrys pour tous ces livres que tu nous présentes.
    Il ne faut pas que je passe trop souvent chez toi, ma liste de livres augmente à chaque fois !!!!!
    Tu m'as donné très envie de le lire celui là !

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  11. J'hésite depuis sa sorite... Non pas parce que j'ai une réticence quelconque, mais parce que je sais que le trop d'émotion (si si) me guette...

    Merci pour ta lecture, elle va sans doute achever de me convaincre.

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  12. J'ai pleuré des litres de larmes, même une fois à une lecture publique. Au début, tout allait bien, Emmanuel Carrère lisait le début du roman, qui ne m'émeut pas tant que la suite. Mais il a fini par les dernières pages et là, j'ai su que j'allais craquer. Du coup, ça m'a valu une joile dédicace de l'auteur. Au moins, je n'aurais pas eu honte pour rien.

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  13. Impossible de lire ce livre ...pas pour le moment...!!
    Merci Chrys de faire partager tes coups de ♥

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  14. je l'ai lu cet été et ça fait partie des livres qui m'ont fait pleurer

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  15. J'ai bien envie de découvrir Emmanuel Carrère mais je ne sais pas si je commencerai par celui-là. En tous cas, en ce moment, j'ai envie de lectures plus légères.

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  16. je viens de le commander -le livre- je dirai ensuite mais je crains les émotions !

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  17. j'ai réservé ce livre à la bilbio, je te dirai ce que j'en pense, mais il va sûrement me plaire (j'ai déjà aimé son livre sur JC romand)

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  18. Elogieuse et objective, très belle analyse de cet excellent livre que j'avais beaucoup aimé !

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  19. Merci Chrys... Je vais d'abord aller acheter des kleenex... Je pleure tout le temps quand je suis touchée par un film ou un livre !

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  20. Un auteur qu'il me reste à découvrir... Celui ci me tente beaucoup malgré le thème, difficile...

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  21. Bonsoir Chrys
    j'ai très envie de le lire et en même temps j'hésite , j'ai envie de choses plus légères ...
    j'aime beaucoup en plus Emmanuel Carrère ....
    Gros bizoux

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  22. *** Un petit coucou en ce vendredi matin Chère Chrys !!!! :o) Passe une bonne fin de semaine ! BISOUS !!! :o) ***

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  23. Bonjour Chrys

    Merci tu me donnes envie de le lire , même si moi aussi l'idée de perdre l'un de mes fils me terrorise. Puisqu'il est en poche c'est encore mieux. bonne journée et merci de tes passages réguliers, je reprend mon retard. bises

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  24. rien que le titre me donne envie de lire...merci chrys

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  25. ça m'a l'air d'un petit bijou, j'ai lu les extraits et j'aime déjà beaucoup l'écriture !!!
    à ne pas manquer ;))) c'est sûr !!

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  26. J'ai adoré ce bouquin, tout comme celui d'avant, "Un Roman russe"... que je conseille si tu ne l'as pas lu.

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  27. Ma prochaine lecture dès que j'aurai fini le dernier Bedigbeder car ce Carrère est en lice pour le prix Qd9 2010 et quelque chose me dit que... mais bon, ne vendons pas la peau (couverture) de l'ours (du livre) avant de l'avoir tué (lu)

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  28. je m'apprête à le lire bientôt... sous le coude depuis un moment...

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  29. Ton post me donne très envie de lire ce livre !
    Mais je crois que je n'ai pas fini de verser des larmes en le lisant ! ;-)

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  30. Il est dans ma PAL mais il attendra encore un peu, maintenant que vient Noël j'ai envie de douceur et de lecture plus facile...
    Bon week end Chrys

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  31. Je pense que cette lecture qui t'a chamboulée, je ne la tenterai pas... je crains de me laisser envahir par cet angoisse de perdre ceux qu'on aime a fortiri un enfant ... car je pense en te lisant que ce livre est très fort, et l'on en ressort un peu différent !

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