Quatrième de couverture:
J'ai le pressentiment que quelque chose ne sera plus comme avant.
C'est peut-être là la vraie définition de l'errance, de sa quête, avec sa solitude et sa peur. C'est le désir que je cherchais, la pureté, la remise en cause, pour aller plus loin, au centre des choses, pour faire le vide autour de moi. Je me dois de me laver la tête... pour rencontrer le centre d'une nouvelle image, ni trop humaine, ni trop contemplative, ou le moi est aspiré par les lieux quand le lieu n'est pas spectacle, ni surtout obstacle.
Il me faut vivre cette quête qui est la mienne... Elle arrive à un moment, ni bon ni mauvais, elle est nécessaire... Pour être juste cette errance est forcément initiatique... mon regard va changer... Cette quête devient la quête du moi acceptable.
Ma lecture:
Je continue mes lectures "photographiques" avec bonheur. J'aimerais pouvoir m'offrir plein de livres!!! Heureusement que les amis sont là pour me prêter quelques lectures passionnantes comme ce livre texte et photos de Raymond Depardon, un grand nom de la photo!
J'ai pris note de pages, de citations qui incitent à la réflexion, au questionnement... Après la lecture de ce livre, je me dis que l'errance "photographique" est un luxe, un magnifique luxe. Et quel luxe!!! Cela me fait rêver...
Voilà, ça commence ainsi:
P5: "Un matin, je me retrouve dans le bureau du rédacteur en chef d'un grand magazine illustré, à l'initiative d'un commercial de mon agence. Nous avons parlé de voyages, de sujets, il me savait réticent à certaines photographies. Habile et sympathique. Nous avons beaucoup parlé des écrivains voyageurs
Un mot revenait toujours dans la conversation, c'était le mot errance. Mais comment photographier cette errance et d'abord qu'est-ce que cela voulait dire?
Je promis d'y réfléchir..."
P8: "Mais je refuse de parcourir le monde pour assouvir ce besoin obsessionnel, presque névrotique, que nous avons, nous photographes, à fixer, capturer l'histoire des êtres vivants, et remplir systématiquement nos photographies de figurants, habitants de la Terre, comme si nous étions en charge de rassurer la planète qu'elle est bien peuplée d'individus.
D'où vient cette peur du vide?
Je veux me confronter aux lumières, aux hasards, forcer ma curiosité, m'ouvrir, briser mes idées reçues, exorciser cette peur du monde. "
"A partir de là, je choisis un format, un objectif, un appareil unique. Je pense à des photographies nettes, quelque chose de bien défini, au sens graphique du mot, pour éviter la caricature. Je veux des photographies au format vertical, où l'horizon serait à égalité entre le haut et le bas, avec trop de ciel, trop de sol, pour donner ma position, marquer ma présence et ne pas pouvoir tricher."
P20: "Je tourne autour d'un certain nombre de choses qui sont des obsessions chez moi, et il le faut, car un photographe n'existe pas s'il n'a pas d’obsessions. Je m'aperçois qu'un certain nombre de tendances, de répétitions, d'obsessions se dégagent de ce travail. C'est comme si je faisais toujours la même photo."
Deux démarches:
P22/24: "Ou l'on reste dans un endroit, ou au contraire on roule, on avance, sans jamais faire marche arrière. Ce sont même deux techniques de photographie. Quelquefois, on s'arrête dans un lieu qu'on détermine un peu à l'avance, on choisit son cadre et puis on attend que quelqu'un passe au bon endroit. Ou au contraire, on avance et on ne fait jamais marche arrière, on avance toujours, peu importe où l'on va, au hasard. Parfois on peut passer de l'une à l'autre de ces deux méthodes dans un même sujet. Il m'arrive de temps en temps de m'asseoir à une terrasse de café ou de rester debout à côté d'un lampadaire et d'attendre que les gens passent; je détermine un cadre qui me plaît et je photographie les passants, je fais des photos, les mêmes, pendant une demi-heure ou une heure. Ou alors j'avance au hasard, je règle mon appareil et j'avance. On peut dire que c'est l'errance contre la sédentarisation, contre l'unité de lieu. L'unité de temps, elle existe dans les deux cas."
La solitude
P30: "Je fais beaucoup de choses seul. La solitude est très présente dans la vie du photographe. Il faut aimer la solitude pour être photographe. Je pense que j'étais prédisposé à aimer la solitude; on me retrouvait dans les greniers de la ferme de mes parents, je fuyais la visite des cousines le dimanche après-midi. J'ai ensuite connu une longue solitude à Paris, et c'est peut-être cela qui a forgé mon caractère, d'être jeune photographe à Paris, seul. Puis, il y a eu la solitude du reporter photographe, où j'étais incapable de photographier ma chambre d'hôtel ou des choses de ma vie."
La contrainte photographique:
P48: "Pour Errance, je me suis fabriqué ma propre contrainte, en l’occurrence le format en hauteur, le choix de l'appareil, du grand angle, du noir et blanc. Parfois j'étais un peu inquiet, me disant que j'avais choisi une contrainte trop forte. Plus tard, je me suis aperçu que c'était la bonne, parce qu'on pouvait voir mon rapport aux lieux, aux gens, aux choses."
Le questionnement:
P94: "Je pense que tous les photographes doivent passer par ce questionnement, cette errance à un moment donné, pour voir quel est leur regard à l'état pur."
P114: "Je n'aime pas travailler sur les anciennes photos, je préfère travailler sur les nouvelles; elles me stimulent, elles me surprennent, elles me déçoivent, mais j'aime les voir vite. Je les oublie vite quelquefois aussi, je les laisse de côté, je les laisse vieillir, je les reprends plus tard, je suis déçu, je suis emballé, je suis enthousiaste, j'ai besoin de cela, c'est peut-être pour me raccrocher à la vie, pour ne pas vieillir trop. L'examen des planches contact est un peu une course contre la montre, contre la mort. Dans l'errance, il y a un rapport avec la mort."
P148: "Avec Errance, je ne parle pas des problèmes du monde, je parle d'autre chose, je parle de la globalisation, un mot qui est maintenant devenu très à la mode et qui est au cœur de la définition de l'errance. Cette globalisation qui fait qu'un certain nombre de lieux se retrouvent partout, dans toutes ces zones intermédiaires, est le signe de la modernité de l'errance."
Le secret
P154: "La photographie a parfois cette forme de résumer ou de donner à voir un certain nombre de choses qui sont secrètes, qui le restent et qui doivent le rester. Il y a énormément de choses qui sont secrètes dans mon errance; elles sont là, dans ces photographies, dans ces lumières, dans ces sols et ces ciels."
P160: "Il ne faut pas attendre la fin de sa vie pour regarder ses photos. Il faut le faire tout de suite, à chaud. Pour mieux repartir, pour mieux se connaître. Et puis se faire plaisir."
Bonne lecture à vous!